CERU

Par Olivier Vial

Le 2 octobre 2023 à 11h59

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Chronique publiée le 1° octobre sur Atlantico

Le 18 septembre dernier, le conseil municipal de Rennes a adopté une nouvelle méthode de calcul des subventions destinées aux associations sportives de la ville. Désormais, une partie des aides publiques sera attribuée selon des critères de genre. Plus de points, et donc potentiellement plus de subventions, seront attribués aux clubs en fonction du nombre de femmes et de personnes non-binaires parmi leurs membres. Concrètement, l’inscription d’une femme ou d’une personne non-binaire dans un club rapportera deux fois plus de subventions que celle d’un homme, le tout étant encore doublé pour les mineurs.  

L’arme budgétaire au service du « wokisme municipal [1]»

Dès avril 2021, la municipalité socialiste de Rennes avait mis en place un budget genré dans le but d’utiliser les finances municipales comme un outil de transformation politique, sociale et sociétale. La principale priorité était de renforcer « l’égalité Femme Homme ». Nadège Noisette, élue en charge des finances rappelait : « un certain nombre d’indicateurs sont désormais à notre disposition, particulièrement dans les domaines du sport, de la jeunesse, de la culture et de l’urbanisme. Avec ce budget genré, nous entendons renforcer et mettre en avant ces politiques »[2]. Ce n’était qu’une première étape. D’autres villes, comme Lyon ou Grenoble, ont poussé la budgétisation sensible au genre[3]encore plus loin. Leur idée, débusquer au sein des décisions budgétaires, tout ce qui pouvait concourir au maintien de stéréotypes de genre.

C’est ainsi que les terrains de foot ont été « canceled[4]»  de certaines cours d’école pour les remplacer par des équipements réputés « non genrés ». Les garçons étaient accusés, par la pratique de ce sport, d’imposer leur domination sur l’espace public. Pour mettre fin à ce qui était jugé, selon l’expression désormais consacrée, « problématique », le maire de Lyon, Grégory Doucet a financé le remplacement des cages de foot par des bancs, des potagers et même des « copeaux de bois »[5]. La pratique féminine de foot, dont le nombre de licenciées en France a plus que doublé ces dernières années[6], fut ainsi sacrifiée au nom de la nécessaire lutte contre les stéréotypes. Difficile de savoir qui, finalement, est le plus imprégné par ce type de clichés.

Après l’égalité Femme Homme, l’introduction du genre

« Aujourd’hui, nous nous donnons les moyens de l’ambition », claironne Sélène Tonon, première élue transgenre de Rennes, en charge des musées, pour justifier la nouvelle politique de subvention de sa ville. « De l’ambition, de la mixité et d’un véritable budget égalitaire qui serait débarrassé des stéréotypes de genre et du bonus dont les pratiques les plus viriles et un certain entre-soi ont pu profiter jusqu’ici[7] », poursuit-elle d’un ton revanchard. En réalité, ce nouveau dispositif permet au wokisme municipal de franchir plusieurs étapes supplémentaires.

D’abord, il vise à changer notre conception du sport en l’accusant d’être « viriliste ». Notons que ce qualificatif semble, dans l’esprit des élus de la majorité rennaise, suffisant pour discréditer la pratique du sport actuelle ; la virilité n’étant plus seulement l’antonyme de la féminité, mais un mal toxique dont nous devons nous libérer. Sélène Tonon poursuit : « L’ancienne grille favorisait, de façon involontaire sans doute, un certain nombre de critères qui sont encore aujourd’hui le reflet de la pratique masculine du sport […]. Nous tenions alors un discours paradoxal, car alors que tout le monde est théoriquement d’accord pour valoriser les pratiques sportives des femmes et aller vers l’inclusion envers toutes et tous, la mixité sociale. Pourtant les clubs étaient obligés de courir vers les médailles et de valoriser à tout prix une certaine forme d’élitisme de la performance. Et nous savons aujourd’hui et tous les travaux de sociologie le prouve à quel point les contextes compétitifs sont un frein sérieux à la mixité de genre et donc à la pratique féminine du sport ». On peut s’interroger, est-ce « les contextes compétitifs » ou l’introduction des critères de genre – notamment la possibilité pour des sportifs nés hommes de concourir dans des épreuves féminines – qui menacent à terme la pratique féminine du sport ?

En effet, cette délibération de la ville de Rennes en introduisant la notion de personnes non-binaires marque une véritable rupture. La notion de « non-binarité » est l’exemple même d’une identité de genre exclusivement fondée sur le ressenti de la personne. Cela signifie que désormais les clubs sportifs rennais ne devront plus inscrire leurs membres en fonction de leur sexe biologique, mais exclusivement selon leur identité de genre ressentie. Une personne née homme peut, rappelons-le, se définir en tant que femme, même si elle n’a entrepris aucune transition médicale et/ou hormonale. Tout cela n’est basé que sur ce que déclare la personne concernée. Impossible de le contester ou de le contrôler, ce qui pourra ouvrir un moyen pour certains clubs de frauder en déclarant de fausses personnes non-binaires.

Cependant, le principal danger n’est pas là. Le dispositif concerne également les mineurs. Cela va obliger l’écrasante majorité des enfants à se poser des questions qu’ils ne se posaient pas. Est-on obligé de demander à un jeune garçon de 5 ans s’il se sent garçon ou fille ou même non binaire avant de l’inscrire au basket ? En banalisant ce type de questionnement, on risque de renforcer ce que le Pr. Mickael Landen, un pionnier des questions liées à la transidentité en Suède, désigne comme « une contagion psychologique liée à la culture ». « Si les jeunes adolescents sont encouragés à réfléchir à leur identité de genre et si on leur apprend que la dysphorie de genre est une variante normale, il n’est pas improbable que certains jeunes orientent leur recherche d’identité vers l’identité de genre »[8]. Le Dr. Lisa Littman, de l’université de Brown aux USA, constate la même chose et parle de risque de « contagion sociale ».

Quant aux enfants et adolescents qui se questionnent déjà sur leur identité de genre, il existe un risque à l’officialiser trop tôt, ce qui peut les enfermer dans leur choix. En effet, « la dysphorie de genre dans l’enfance ne persiste pas forcément à l’âge adulte. Selon des études longitudinales faites chez les enfants prépubères (principalement des garçons) adressés à des services spécialisés pour une évaluation de dysphorie de genre, on n’en retrouve la persistance à l’âge adulte que pour 6 à 23 % des sujets. Les garçons faisant partie de ces études étaient plus souvent identifiés comme homosexuels que comme transgenre une fois adulte. Des études plus récentes, incluant également des filles, ont montré un taux de persistance à l’âge adulte de la dysphorie entre 12 et 27 % »[9]. Chez la plupart des enfants, la dysphorie de genre va donc disparaître avant ou après la puberté. Un diagnostic trop précoce et l’inscription dans un processus de transition : transition sociale (changement de genre et de prénom), transition hormonale ensuite (bloqueurs de puberté) empêche cette résolution « spontanée »[10].

Dans un communiqué du 28 février 2022, l’Académie de médecine[11] a appelé à faire preuve de prudence concernant les questions de transidentité de genre chez les enfants et les adolescents soulignant qu’aujourd’hui nous n’étions pas en mesure de faire la différence entre une dysphorie transitoire et une dysphorie structurelle. L’Académie met en garde contre « un phénomène d’allure épidémique » que le type de projet, sans doute plein de bons sentiments proposés par la Mairie de Rennes, ne fera que renforcer.


[1] Selon la formule d’Elisabeth Levy.

[2] https://www.lesfameuses.com/la-ville-de-rennes-adopte-un-budget-genre/

[3] Le budget sensible au genre (BSG) a été mis en place la première fois en 1984 en Australie. Cette approche vise à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes en intégrant le genre comme un élément essentiel dans la répartition budgétaire en amont de tout projet urbain. Il s’agit d’examiner si la collecte et la distribution des ressources financières renforcent ou diminuent les inégalités entre les sexes, et de proposer des ajustements budgétaires en conséquence. Présentation du concept en vidéo.

[4] Effacé, en référence à la Cancel culture.

[5] Cela n’a pas été du gout de tous les élèves, comme en témoigne cette vidéo.  https://youtu.be/fxLdLL4tWjM

[6] Plus de 220 000 femmes sont licenciée dans un club de foot en 2023, ce qui n’est que la partie émergée de la pratique féminine de ce sport. https://www.fff.fr/article/9805-les-chiffres-cles-du-football-feminin-en-2023.html

[7]https://www.youtube.com/watch?v=tv6P7cYbpGc

[8] Ökningen av könsdysphori ho sunga tarvar eftertanke, Pr. Mickael Landen, Läkartidiningen. 2019, 116/FSHM, cité in Détrans les Cassandre de la communauté trans, note du CERU, Olivier Vial, Juin 2002

[9] Standards de soins pour la Santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non-conforme (2012), The World Professional Association for Transgender health, p.12

[10]https://www.ceru.fr/detrans-les-cassandre-de-la-communaute-trans/

[11]https://www.academie-medecine.fr/la-medecine-face-a-la-transidentite-de-genre-chez-les-enfants-et-les-adolescents/

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