François Hollande s’est déplacé jusqu’à Orléans pour enrôler dans sa campagne la figure de Jean Zay, jeune ministre de l’éducation du Front populaire, espérant ainsi colorer, sans trop d’effort, son discours sur l’école d’une « geste républicaine ».
Pour l’occasion, les grands mots étaient de sortie, le candidat appelant à « réenchanter le rêve français » par une « refondation de l’école » et une « réforme globale ». Ce lyrisme surjoué cache mal le manque d’ambition et de vision du projet socialiste. Ce dernier reste essentiellement attaché à une vision quantitative de l’école : il faut « remonter le taux d’encadrement » des élèves par les enseignants, quitte à mettre « plus de maître que de classe ». Il faut surtout créer 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation pour résorber « la dette éducative ».
Derrière le vernis républicain peint hier sur le projet socialiste, les sempiternels mots d’ordre syndicaux « toujours plus de postes, toujours plus de moyens » réapparaissent.
Or, depuis 30 ans, la dépense consacrée par les Français à l’éducation a doublé alors que les effectifs d’élèves restaient relativement stables. En 2012, un quart du budget de l’Etat est destiné à l’Education nationale et l’Enseignement supérieur, et près d’un fonctionnaire sur deux travaille pour l’un de ces ministères. Si les résultats de l’école et le bien-être des élèves et des enseignants étaient directement proportionnels aux moyens investis [[Il est même intéressant de noter que les résultats des élèves français aux tests PISA réalisés par l’OCDE ont cessé de baisser, pour même légèrement progresser, entre 2006 et 2009, au moment même où le gouvernement supprimait des postes d’enseignants.]], comme essaie de nous le faire croire le candidat du PS, nos écoles compteraient déjà parmi les plus efficaces du monde. Or, ce n’est évidemment pas le cas.
La racine des problèmes de l’école est à chercher ailleurs. Au fil des années, l’école s’est éloignée de sa mission essentielle, la transmission des savoirs, pour se laisser enrégimenter au service de l’égalité. L’égalité est, ainsi, devenue le mètre étalon à partir duquel on construit et on évalue toutes nos politiques éducatives. En réaffirmant, hier à Orléans, qu’il souhaitait avant tout « une école plus égalitaire », François Hollande persiste dans les travers qui ont miné notre système éducatif.
La gauche et une partie du milieu éducatif (spécialistes des sciences de l’éducation, syndicats enseignants, associations d’éducation populaire et de parents d’élèves) ont installé comme un dogme indépassable, le concept de la « parfaite égalité des talents et des aptitudes des élèves ». C’est au nom de cette croyance teintée de bons sentiments que l’on continue de refuser la mise en place des classes de niveau et que l’on s’interdit d’adapter les moyens affectés par l’éducation nationale, non pas en fonction de critères sociaux ou géographiques, mais bien du niveau et des besoins des élèves.
De nombreuses études démontrent, pourtant, que de telles pratiques permettent d’améliorer sensiblement le niveau des élèves, notamment de ceux qui sont le plus en difficulté. Une fois encore, les socialistes préfèrent ignorer cette réalité et entretenir leurs illusions. Pour cela, François Hollande a annoncé qu’il mettrait fin aux évaluations de CE1 et CE2, et à la « notation des élèves ». Ce n’est pourtant pas en cassant le thermomètre que l’on fait tomber la fièvre.
Cet égalitarisme frappe également les relations entre l’institution et les enseignants. « Les adeptes des « pédagogies modernes » militent depuis toujours pour l’unification du corps des enseignants. Ils estiment que quelle que soit la discipline que l’on enseigne et l’âge des élèves à qui l’on fait classe, tous les enseignants doivent être recrutés à un même niveau de diplômes, recevoir la même formation, maîtriser les mêmes techniques pédagogiques, car celles-ci sont sensées transcender les approches disciplinaires »[[Olivier Vial et Inès Charles Lavauzelle, L’école malade de l’égalitarisme, édition CERU et BOD, janvier 2012]]. Leur rêve fut partiellement réalisé par Lionel Jospin en 1989 avec la création des IUFM ; il le sera totalement avec la création annoncée hier « d’écoles supérieures du professorat et de l’éducation », chargées de former tous les enseignants « de la maternelle à l’université ».
Dans ce domaine également, il convient de tourner le dos à cet égalitarisme niveleur et démotivant pour les personnels. Au nom de ce principe, le ministère a fini par réduire les enseignants à leur statut, gérant leurs avancements et leurs affectations de façon automatique et aveugle et les considérant, au final, comme des pions interchangeables.
Les élèves, tout comme les enseignants, n’ont pas tous les mêmes aptitudes ni la même motivation. Au contraire de ce que propose François Hollande, il convient de regarder cette réalité en face et d’admettre que l’institution scolaire ne s’adresse pas à des « élèves désincarnés », ni à des professeurs « statufiés ». Tous doivent être considérés comme des personnes différentes, dont il faut reconnaître les talents, encourager les efforts et sanctionner les fautes. C’est à ce prix que nous pourrons renouer le fil de l’excellence qui permet, par l’école, de faire rayonner et progresser une nation.
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