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Par Archives CERU

Le 10 novembre 2017 à 11h23

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Tribune parue dans Le Cercle de Les Echos


Dans l’affaire des «Paradise papers», une confusion s’est d’emblée opérée entre le droit et la morale qui sont pourtant deux domaines distincts qui ne se confondent pas nécessairement. Ce qui est légal peut en effet s’avérer ne pas être moral et inversement.

Pendant longtemps, la frontière entre ce qui relevait du droit et de la morale était relativement marquée et respectée. Elle tend désormais à disparaître pour certains au profit d’un excès de moralité fiscale qui viendrait condamner certaines pratiques d’optimisation fiscale, quand bien même celles-ci seraient parfaitement légales.

D’aucuns considèrent en effet que le fait d’opérer légalement certains montages fiscaux, plus ou moins sophistiqués, pour payer moins d’impôts serait moralement condamnable… et donc condamnable tout court !

Chacun sa morale fiscale

La moralité fiscale est loin d’être une notion universelle. Au vrai, il s’agit même d’une notion à géométrie… très variable puisque les contribuables qui ne paient pas ou peu d’impôts ont généralement tendance à considérer que l’optimisation fiscale est immorale tandis que ceux qui en paient beaucoup considèrent que cela est parfaitement moral.

Lire aussi : Le «name and shame», pare-feu contre l’optimisation fiscale

Mieux vaut donc éviter de s’aventurer sur le terrain moral en matière fiscale et s’en tenir au caractère strictement légal ou non des montages opérés. Cela étant dit, il existe de nombreux arguments pour réfuter le caractère immoral de l’optimisation fiscale.

Impôts trop élevés

L’optimisation fiscale est morale car elle permet de réduire la pression fiscale excessivement élevée existant dans de nombreux pays, tels que les États-Unis ou la France. Pour rappel, le taux marginal d’imposition français s’élève, en 2017, à 45 % pour les entreprises et à 49 % pour les ménages.

Sachant que ces taux n’incluent pas les taxes sur la production et les prélèvements sociaux au taux de 9,7 % pour les revenus d’activités et 17,2 % pour les revenus du patrimoine à partir du 1er janvier 2018. Sans optimisation, les contribuables seraient tout simplement asphyxiés par les impôts !

Mauvaise foi

Au reste, reprocher à tel ou tel contribuable – multinationale comme personnalité – de vouloir réduire sa facture fiscale en recourant à l’optimisation fiscale confine à la mauvaise foi, dans la mesure où tous les contribuables le font ou sont susceptibles de le faire – à plus ou moins grande échelle !

Le simple fait de recourir à l’une des 450 niches fiscales existantes s’apparente à de l’optimisation fiscale ! Doit-on moralement condamner les entreprises qui recourent au CICE ou les ménages qui recourent au dispositif Pinel pour l’investissement locatif ? Sans compter les déductions fiscales pour ceux effectuant des dons ou employant un salarié à domicile ?

Certes, il existe un décalage notable entre l’optimisation fiscale des ménages issus de la classe moyenne et celle des multinationales, mais la conclusion reste la même : il n’est pas immoral de vouloir légalement réduire sa facture fiscale dès lors qu’aucun contribuable n’est moralement tenu de payer plus d’impôts qu’il ne le devrait !

Système fiscal inadapté

L’on fait donc de mauvais procès. Ce ne sont pas les contribuables pratiquant l’optimisation fiscale qu’il faut blâmer, mais les règles fiscales nationales et internationales en vigueur qui s’avèrent inadaptées et obsolètes par rapport à l’évolution des modèles économiques des multinationales et à la mobilité des actifs de façon générale.

Force est de constater que, jusqu’à présent, les responsables politiques français et de l’Union européenne ont été incapables de s’accorder pour opérer les réformes nécessaires, que ce soit au niveau national ou international.

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