Radicalisation des jeunes, le gouvernement entre déni et angélisme

Pour les djihadistes et les terroristes islamistes, le terreau français semble, malheureusement, très fertile. Depuis janvier 2014, le nombre de nos ressortissants agissant dans ces filières a crû de 324% (1 800 personnes impliquées, dont plus de 500 armes à la main). Notre pays est ainsi devenu le principal pourvoyeur européen d’apprentis djihadistes. La radicalisation, c’est aussi plus de 1 000 affaires liées à l’extrémisme islamiste instruites en moins d’un an. Sept sur dix concernent des faits « d’apologie du terrorisme ou de provocation au terrorisme » et encore, comme le concède un haut magistrat, « ce n’est que l’écume de la réalité. La lame de fond est bien plus importante. »

Malgré les manifestations et les commémorations, la situation ne cesse de s’aggraver. Après les attentats du 13 novembre, par exemple, la justice a constaté autant d’infractions pour apologie du terrorisme en un mois que durant tout le reste de l’année. Les établissements scolaires ne sont pas épargnés. Les signalements ont été multipliés par quatre en un an. Ils concernent désormais 857 élèves. Derrière ces chiffres se cachent la réalité de jeunes très différents qui se sont souvent radicalisés en quelques mois sur internet. Comme cet élève de seconde qui, à Châlons-en-Champagne, a fait irruption dans sa salle de classe aux cris de « Allahou akbar », hurlant qu’il voulait « venger le prophète ». Il a forcé les autres élèves et l’enseignant à écouter l’hymne de l’Etat Islamique jusqu’à ce que la gendarmerie le maîtrise. C’est le même parcours qui a conduit ce jeune lycéen de 15 ans à Marseille à se jeter sur un professeur juif avec une machette au « nom d’Allah et de Daesh ».

Ces statistiques donnent le vertige, pourtant elles sont largement sous-estimées. Le gouvernement, au nom de la sacro-sainte lutte contre les amalgames et la stigmatisation, pratique l’ellipse et l’euphémisme pour ne pas nommer clairement notre ennemi et minimiser son influence. Le déni est parfois complet, comme quand la ministre de l’Education nationale, prétend qu’il n’y a pas eu d’incident au lendemain des attentats du 13 novembre, alors que les informations venant des rectorats attestent du contraire. « Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir » dit-on ! La ministre semble avoir fait sienne cette maxime, et pour ne pas heurter certains syndicats, elle se refuse toujours à étendre le processus de signalement de la radicalisation aux universités, créant ainsi un trou noir dans notre dispositif de renseignement, alors même que des étudiants ont pris une part active à des projets d’attentats ces dernières années.

A ce déni de la réalité s’ajoute un dangereux angélisme qui consiste à gommer l’aspect politique, idéologique et religieux de l’engagement islamique pour ne retenir que l’explication sociale ou psychologique. Cet erreur de diagnostic conduit à sous estimer la détermination de ces jeunes. Les directives du ministère de l’intérieur pour la prise en charge des jeunes en partance pour l’Etat Islamique illustrent parfaitement cette faiblesse. Elles seraient drôles si la menace n’était pas aussi forte. Les services du ministère se contentent d’inviter les aspirants djihadistes à « un parcours d’insertion sociale » et à réaliser un « service civique dans le champ humanitaire … afin de mettre en exergue les valeurs de partage, de solidarité, de soutien.. » ou à « des actions caritatives et bénévoles ». Il y a peu de chance que ces « bisounourseries » suffisent à les faire renoncer au Djihad.

Le combat contre la radicalisation sera long. Il nécessite de remobiliser l’ensemble de la société et spécialement l’école, de redorer l’image de notre pays et de son Histoire. Mais le préalable à tout cela, c’est d’oser affronter la réalité en face, dans toute sa complexité.


Tribune parue le 26 janvier 2016 dans Valeurs Actuelles

tribuneolivierdjihad.png