REPLAY | Retraite, dette… Le vrai état de la France – Web rencontre avec Agnès Verdier-Molinié

Retraite, dette, dépenses publiques…. Le vrai état de la France

Pour évoquer ces sujets, nous avons eu le plaisir de recevoir Agnès Verdier-Molinié. Elle dirige l’IFRAP think-tank dédié à l’analyse des politiques publiques. Elle a publié de nombreux ouvrages dont dont Les fonctionnaires de l’ÉtatLa France peut-elle tenir encore longtemps ?, et le Vrai État de la France.

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Réforme des retraites, le travail est une pollution pour les activistes climat

Une bouffée d’optimisme semble avoir atteint les activistes de la génération climat. La réforme des retraites aurait-elle des effets anxiolytiques capables de calmer les angoisses de ces écoanxieux ? Sinon comment comprendre que de jeunes militants, qui depuis des mois nous alertent sur l’apocalypse qui mettra fin à notre monde dans exactement 786 jours [1], s’intéressent désormais à l’âge de leur départ à la retraite dans plus de 40 ans. 

Dernière rénovation, Youth for the Climate – France (le mouvement fondé par Greta Thunberg), Extinction Rebellion… tous appellent à participer aux manifestations.

Le rapport au travail et à notre système économique, en réalité, ce sont sur ces points qu’ils vont concentrer leurs attaques. La mobilisation pour la réforme des retraites est, avant tout, pour eux, l’opportunité d’imposer leurs thématiques et leurs méthodes auprès d’une audience déjà engagée et bien plus large que celle qu’ils touchent habituellement. L’appel à la jeunesse de Youth for the climate annonce la couleur : « Contre cette réforme violente et injuste. Il est urgent de repenser l’activité humaine en dehors d’un cadre capitaliste et productiviste ». Les Soulèvements de la terre précisent : « l’équation est simple : dans le royaume capitaliste, travailler plus, c’est produire plus, donc polluer plus, extraire plus de matière, consommer plus d’énergie, produire plus de déchets ». 

Réduire le temps et la place du travail

Pour convaincre et rallier à eux les partis de gauche, une réunion a été organisée dès le 10 janvier, à l’invitation du site Reporterre et du journal Fakir, avec des représentants de l’ensemble des organisations du NPA au Parti socialiste, l’objectif : dénoncer le caractère climaticide de la réforme des retraites. « Il est en effet maintenant reconnu, précise les organisateurs de cette réunion, que plus on travaille à produire des richesses économiques, plus on accroît la pression sur les ressources naturelles, et plus augmentent les pollutions environnementales et les émissions de gaz à effet de serre, en grande partie responsables du réchauffement climatique. » Ainsi présenté, le travail devient une pollution comme les autres qu’il convient de combattre pour la réduire. « Face à la crise écologique, poursuivent les organisateurs, n’est-il pas temps de recentrer le travail sur la production de choses essentielles à la vie ? Et de diminuer le temps de travail global pour favoriser l’autoproduction — cuisine, couture, réparations diverses… — et l’engagement populaire dans des activités bénéfiques, entre autres, à l’environnement — jardinage, soin de la biodiversité, soutien à des projets collectifs, etc. ? ». 

Ce type de discours peut résonner aux oreilles de certains comme une passade, un retour aux douces utopies des années hippies. Il est à craindre que l’affaire soit plus sérieuse. Cette remise en cause du travail s’appuie désormais sur des tendances fortes qui traversent les jeunesses des pays occidentaux. Des appels à « bifurquer » lancés par les élèves de nos grandes écoles (Agro ParisTech, HEC, Polytechniques…) à la montée du quiet quitting chez les salariés qui décident de se désengager de leur travail, de ne pas en faire plus que le minimum nécessaire et de réduire leur productivité, tout cela concourt à un nouveau rapport au travail. Un nouvel imaginaire qui est en train de s’imposer. Déjà, 37 % des salariés français selon une étude parue en novembre, seraient concernés par cette « démission silencieuse » [2]. Quand Sandrine Rousseau revendique le « droit à la paresse », qu’elle va jusqu’à affirmer espérant ainsi la discréditer que « la valeur travail, pardon, c’est quand même une valeur de droite ! », elle n’est en réalité que la pointe avancée d’une remise en question beaucoup plus profonde portée par les militants de la génération climat. 

Déjà, dans les premières « AG » lycéennes ou étudiantes, c’est la question de la place du travail qui s’impose. Les activistes ont bien compris que s’ils souhaitent mobiliser la jeunesse cela ne se fera pas sur la base de revendications techniques ou paramétriques. 42 ou 43 annuités ? Peu leur importe. Le but, c’est de profiter de ce moment pour enfoncer un peu plus le clou de la décroissance. « Réduire le temps et la place du travail », cotiser moins longtemps… on comprend bien que si cette direction devait être suivie, elle conduirait nécessairement à une baisse importante du pouvoir d’achat des futurs retraités (baisse des pensions, faillite du système par répartition…). Et alors ? Dans leur logique, moins de pouvoir d’achat, c’est moins de consommation, moins de production… Une sobriété imposée ! Une façon de nous obliger tous à devenir décroissants.

La mobilisation qui s’annonce dans les prochaines semaines chez les jeunes contre la réforme des retraites sera également une opportunité pour ces mouvements de recruter et d’imposer leurs méthodes. Que ce soit au sein des cortèges ou dans les « AG », l’aura des rebelles d’Extinction Rebellion, la réputation des Soulèvements de la terre et de toute cette galaxie activistes risquent d’inciter une partie de la jeunesse mobilisée à les rejoindre ou au moins à s’inspirer de leurs moyens d’action. Le principe de la désobéissance civile est déjà largement accepté parmi une partie de la jeunesse. Une étude réalisée par des chercheurs de Sciences Po Grenoble en 2021 et consacrée aux acteurs et sympathisants des marches sur le climat montre que 70 % d’entre eux considèrent légitime pour « défendre l’environnement » de « désobéir aux lois » [3].

Une marche de plus risque d’être franchie. Un groupe d’activistes anonymes qui se fait appeler « QE » a déjà publié le 20 janvier un appel à unir le front des luttes. Il souhaite voir converger : “écologiste, féministe, antiraciste, anticapitaliste, anarchiste, anti-tech, animaliste” dans ce front commun qui a vocation à rassembler tous les profils de militants les « non-violents et les non-pacifistes » (« non-pacifiste », on admire le sens de la litote). Le 24 janvier, ce même groupe a diffusé un vade-mecum permettant, grâce à 8 types d’actions, de radicaliser le mouvement contre les retraites. Ils invitent notamment à bloquer les lycées, les universités, les ports, les raffineries… à organiser la convergence des luttes et des organisations sociales écologistes et à augmenter le rythme des manifestations pour épuiser les forces de l’ordre…

Les prochaines semaines s’annoncent particulièrement chaudes… indépendamment du réchauffement climatique.

Par Olivier Vial, Directeur du CERU, le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités.


[1] Selon le décompte de Dernière rénovation.

[2]Sondage IFOP pour Les Makers novembre 2022

[3] Alexandre C.,Gougou F., Lecoeur E., Perisco S., (2021) Rapport descriptif de l’enquête sur le mouvement climat (Pacte). Rapport de recherche – Sciences Po Grenoble ; Pacte – Université Grenoble Alpes, 2021, 43 p. halshs-03342838.

La paranoïa des activistes les pousse vers la clandestinité

La crainte de la « répression » et la paranoïa grandissante d’une partie des militants provoquent des changements quant à la stratégie et la physionomie des groupuscules les plus déterminés. Chronique parue sur le site Atlantico, le 15 janvier.

« Dispensé de peine ! »  Mardi 10 janvier, le tribunal judiciaire de Paris a reconnu que les deux militants de Dernière rénovation, qui avaient bloqué le périphérique parisien en novembre dernier, s’étaient rendus « coupables d’entraves à la circulation », un délit punissable de deux ans de prison et d’une amende de 4 500 € (art L412-1 du Code de la route). Mais il a également jugé, selon ce que rapporte un tweet du groupe activiste, « qu’il n’y avait pas de sens ou de justification à ce que la société inflige une peine à des citoyens qui luttent pour leur survie et celle de leurs proches », prononçant en conséquence une dispense de peine. Ce verdict fut immédiatement salué comme une victoire pour les mouvements pratiquant la « désobéissance civile » au nom d’un prétendu « état de nécessité »[1].  

Quant au tribunal de Niort, il n’a prononcé, le 6 janvier, que des peines de prison avec sursis contre les quatre activistes qui avaient détruit une partie du chantier de la retenue d’eau de Mauzé-sur-le-Mignon[2]. En décembre, cette même juridiction n’a condamné qu’à deux ou trois mois de prison avec sursis les 5 personnes interpellées à la suite du sabotage et des affrontements violents contre les forces de l’ordre qui avaient eu lieu sur le site Sainte-Soline (6 000 personnes avaient participé à ces actions de guérillas et seulement 5 furent inquiétées).

Les procès se suivent et la clémence de la justice française apparaît de plus en plus décalée par rapport à celle de ses homologues européens. Pour avoir bloqué une route, un militant d’Insulate Britain a été condamné à 6 mois de prison ferme en Angleterre. Au Pays-Bas, les deux membres du collectif Just Stop Oil ont écopé de deux mois de prison, dont un ferme, pour s’être collé la main sur la vitre de protection d’un tableau de Vermeer. En Allemagne, le parquet de Brandebourg considère depuis mi-décembre ces mouvements comme des « organisations criminelles » donnant ainsi une base légale à des opérations de grande envergure contre ces activistes. Le 13 décembre, une perquisition nationale dans plus de 8 Länder fut organisée et coordonnée par l’institution judiciaire contre des écologistes préparant des actions de blocage. Même la municipalité de Berlin, pourtant dirigée par des élus SPD et verts, vient de mettre en place un arsenal d’amendes allant jusqu’à 2 000 euros contre ceux qui entraveraient la circulation dans la capitale allemande. 

L’extrême bienveillance dont, jusqu’à présent, la justice française fait preuve n’empêche pourtant pas nos activistes de crier à la persécution. Une pétition, lancée le 9 janvier, rassemblant 3000 signataires (activistes, élus, universitaires, artistes…) et 289 organisations dénonce la tentative de « criminalisation » des luttes écologistes ainsi que les méthodes de la police. Elle prend fait et cause pour les franges les plus radicales de la galaxie climat : « Nous ne pouvons d’ailleurs leur donner tort quand nous les entendons affirmer que leurs actions de “désarmement[3]” sont un élément essentiel de toute stratégie conséquente pour freiner, enrayer, stopper les projets qui bétonnent les sols, s’accaparent les terres ou empoisonnent les rivières. […] Leurs gestes, leur précision, leur détermination joyeuse, nous parlent infiniment plus que les grimaces du ministre de l’Intérieur quand il verse des larmes de crocodile sur les barrières cassées d’un chantier, sur la mise à l’arrêt temporaire d’un site industriel hautement polluant, ou sur les dommages économiques subis par telle ou telle entreprise multinationale écocidaire », peut-on lire dans ce texte.

Pierre Desproges écrivait : « ce n’est pas parce que je suis paranoïaque qu’ils ne sont pas tous après moi ! ». Ce à quoi aujourd’hui, les activistes semblent lui répondre : « ce n’est pas parce que la justice française est extrêmement clémente avec nous que nous ne sommes pas persécutés ! ». Sur les blogs, les réseaux militants, les serveurs de messageries cryptés, c’est toujours la même chanson : l’État, la police ont déclaré la guerre aux mouvements écologistes. Pour légitimer cette crainte, Greenpeace a même commandité une enquête auprès de Sciences Po. Sans grande surprise, les auteurs de l’étude dénoncent « le tournant répressif contre les désobéissants » et « la répression contre l’activisme environnemental ». CQFD ! 

Si la réalité est loin d’accréditer cette inquiétude, cette dernière ne sera pas sans conséquence. L’expérience a souvent montré que des activistes qui ont le sentiment d’être surveillés sont beaucoup plus dangereux que ceux qui le sont vraiment.

En effet, la crainte de la « répression » et la paranoïa grandissante d’une partie des militants provoquent des changements quant à la stratégie et la physionomie des groupuscules les plus déterminés. Sylvie Ollitraut, directrice de recherche au CNRS, rappelle qu’« à partir du moment où un groupe est criminalisé (ou pense l’être devons-nous rajouter)  son identité se transforme »[4]. Elle ajoute que « la répression pourrait […] mener à une radicalisation du mouvement, vers une montée de la violence chez les militants, dont les actions allaient jusqu’ici rarement au-delà de la désobéissance civile qui se veut pacifique ». 

C’est effectivement la pente sur laquelle nous voyons les activistes s’engager. Déjà, en janvier 2022, des militants d’Extinction Rebellion France publiaient un long document sous forme d’autocritique. Ils remettaient en cause le fait d’agir à visage découvert, ce qui selon eux relèverait d’une vision beaucoup trop angélique de leurs relations avec la police.

Depuis, dissimuler son visage est devenue une pratique de plus en plus courante : aux Black Block se sont, par exemple, ajoutés les White block vêtus de tenue de laboratoire spécialisés dans les opérations de sabotage et les Blue Block qui affrontent les forces de l’ordre en bleu de travail. Mais ce sont les appels à structurer des actions clandestines qui sont aujourd’hui le plus inquiétants. Comme nous l’avions déjà évoqué dans nos colonnes, un texte appelant à constituer une « Fraction armée verte » se diffuse dans les sphères militantes. Ce texte pose les bases, « d’un projet de construction d’une vaste organisation de résistance ». Celle-ci précise l’auteur devra être clandestine afin de pouvoir « planifier un usage de la violence politique dont nous aurions besoin ». Sic !

En agitant la peur de la répression et en entretenant la paranoïa chez les militants, les stratèges de ces organisations savent exactement ce qu’ils font. L’objectif est d’inciter de plus en plus d’activistes à se prémunir d’éventuelles poursuites ou surveillances en rejoignant le côté obscur, celui de la clandestinité. À partir de là, tout devient possible … surtout le pire.


[1] L’état de nécessité s’apprécie au regard de trois critères : Premièrement, faire face à un péril actuel ou imminent. Deuxièmement, les actes doivent être proportionnés à ce péril. Enfin, ils doivent être l’unique moyen d’y faire face. Selon un tweet de l’organisation activiste,  » Le tribunal a retenu les 2 premiers critères, au regard de la catastrophe climatique en cours et du caractère pacifique des actions de Dernière Rénovation. Le président n’a cependant pas retenu le 3ème critère, il a précisé que sa position “pourrait évoluer d’ici 4 ou 5 ans”.

[2] Cette action s’est déroulée le 22 septembre 2021 dans les Deux-Sèvres.

[3] Néologisme militant signifiant sabotage.

[4] Libération, 9 septembre 2020.

Blocages et vandalisme : l’activisme climatique encouragé par le laxisme judiciaire

Extinction Rebellion a annoncé la suspension de ses opérations de blocage de l’espace public au Royaume-Uni. En France, les actions se poursuivent. Après Matignon et Bercy, le ministère de la Transition écologique a été à son tour aspergé de peinture orange, ce vendredi, par des militants écologistes du collectif « Dernière rénovation ». Chronique publiée le 8 janvier sur le site Atlantico.

« Les bénéfices ça se divise, la réclusion ça s’additionne, » rappelle Jean Gabin dans Le cave se rebiffe. C’est, sans doute, un raisonnement similaire qui a conduit le 1er janvier Extinction Rebellion à suspendre ses actions de blocage de l’espace public en Angleterre. L’image de militants enchaînés au milieu des routes et des ponts de Londres avait permis à l’organisation de se faire mondialement connaître en 2018. Mais la répétition lasse, et à l’engouement médiatique suscité par les premières opérations a succédé un désintérêt et une impression de déjà vu. Les retombées presse diminuaient au fil du temps, d’autant que les journalistes découvraient d’autres collectifs comme Stop Oil qui, pour attirer l’attention, n’hésitaient pas à se lancer dans des opérations très « innovantes » comme le jet de soupe sur chefs-d’œuvre de la peinture classique. 

Si les bénéfices médiatiques diminuaient, les risques judiciaires quant à eux s’envolaient. En novembre 2021, plusieurs membres de l’association anglaise Insulate Britain ont été condamnés à de la prison ferme suite à une action de blocage. L’un d’entre eux a même écopé de 6 mois d’incarcération, la juge estimant que ses propos étaient « incendiaires »et s’apparentaient à un « appel aux armes ». En octobre dernier, la nouvelle ministre de l’Intérieur britannique Suella Braverman est allée encore plus loin, qualifiant ce genre d’actions « d’actes de guérilla ». Pour donner aux forces de l’ordre les moyens de lutter efficacement contre ces menaces, elle a souhaité que la police puisse prendre des mesures « proactives ». Une nouvelle loi a ainsi été adoptée pour « renforcer la sécurité des réseaux de transports, les terminaux pétroliers et les imprimeries »et protéger « les infrastructures nationales capitales ou l’accès aux biens et services essentiels » des intrusions de ces activistes. La fermeté de l’exécutif et de la justice explique au moins partiellement la décision d’Extinction Rebellion. 

De notre côté de la Manche, la situation n’est pas la même. Si le collectif Dernière rénovation avait dès le 14 décembre annoncé une trêve dans ses actions de bocages des routes, ce n’est pas le cas des « rebelles » français qui ont annoncé poursuivre leurs actions sans rien s’interdire. Il est vrai qu’en France les deux termes de l’équation n’évoluent pas aussi rapidement qu’en Angleterre. La lassitude de la presse et de l’opinion publique y est aussi forte. Les actions de Dernière rénovation, après avoir fait la une des JT, avaient fini ici aussi par ne plus susciter que quelques posts sur des blogs militants. Mais en changeant de méthode et en pulvérisant de la peinture orange sur Matignon ou Bercy, les militants ont réussi à rallumer l’intérêt que leur portaient les médias. L’une de leurs dernières vidéos postées sur twitter a été vue par plus d’un million de personnes en moins de 24 heures. 

La véritable différence entre nos deux pays tient essentiellement à la réponse judiciaire. En France, aucune peine ferme n’a été prononcée à ce jour pour des actions de blocage. Par exemple, la jeune Alizée qui avait interrompu la demi-finale du tournoi de tennis de Roland Garros en s’attachant par le cou au filet central, tout cela devant les caméras du monde entier, n’a écopé que d’un simple rappel à la loi. Même elle s’est dite surprise de tant de mansuétude de la part de la justice française. Ce sentiment d’impunité ne peut qu’encourager les vocations. 

Dans quelques mois, la France accueillera les Jeux Olympiques. Cet évènement est à haut risque, car il est pour chaque collectif militant une formidable opportunité de se faire remarquer et d’attirer l’attention sur les causes qu’ils défendent. Si le gouvernement a bien perçu ce risque, c’est d’une main hésitante qu’il tente de le prévenir. Le 22 décembre, la ministre des Sports aainsi présenté un « projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ». Dans ce texte qui sera débattu en première lecture au Sénat à partir du 24 janvier, les activistes ne sont même pas nommément visés. Il envisage seulement de renforcer les sanctions en proposant de créer deux nouveaux délits en cas d’intrusion dans un stade, un court ou un gymnase, pendant et après les Jeux Olympiques. S’il est commis en récidive ou en réunion, « le fait de pénétrer ou de tenter de pénétrer par force ou par fraude dans une enceinte sportive » lors d’une compétition pourrait être puni de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende, prévoit l’article 12 du projet de loi. Quant au fait de « pénétrer ou de se maintenir sans motif légitime sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive », il n’est punissable (d’une simple amende de 7 500 euros) qu’en cas de récidive ou de réunion. Une somme bien modeste pour toucher une audience de plusieurs millions de personnes. Le Conseil d’État a estimé que prononcer une peine de prison pour ce type d’agissement serait disproportionné. Sic ! 

Voilà pourquoi, en France à la différence de ce qui se passe au Royaume-Uni, les activistes ne sont pas prêts de renoncer aux actions de blocages. Au contraire, cela risque même de devenir une épreuve très courue lors des prochains Jeux Olympiques de Paris.

Par Olivier Vial 

Restera-t-il encore des enfants pour fêter Noël ?

Chronique parue le 25 décembre sur le site Atlantico

« Donner la vie, c’est polluer ». Depuis des décennies, de nombreux courants de pensée s’emploient à faire tomber l’Homme du piédestal sur lequel nos civilisations l’avaient jusqu’ici placé. Le marxisme réduisait ses aspirations à leurs simples dimensions matérialistes. Les antispécistes ne voient en Lui qu’un animal parmi d’autres, dont les intérêts ne peuvent plus être considérés comme supérieurs à ceux des rats – pardon ! des surmulots -. Quant aux décroissants, ils ne perçoivent l’humanité que comme une masse de consommateurs avides et irresponsables. À force d’être « déconstruit » et « désacralisé », l’Homme est réduit, par certains, au rang d’une vulgaire pollution.

Comme on calcule l’empreinte carbone d’une bouteille plastique tout au long de son cycle de vie, des chercheurs ont établi le coût climatique d’un enfant à la grosse louche en additionnant l’impact de sa propre consommation à celle qu’engendrera sa descendance. Ainsi construit, cet indicateur sonne comme une condamnation sans appel. Un enfant représenterait une pollution de l’ordre de 58,7 tonnes d’équivalent CO2 par an, ce qui correspond à près de 6 fois celle d’un Français moyen et à 55 vols Paris-New-York par an. Faire des enfants, surtout en Occident, est ainsi présenté comme un comportement hautement écocide !

Dans une étude de 2017, des chercheurs canadiens ont cherché à mobiliser les adolescents dans ce combat pour la planète, ces derniers agissant comme un « catalyseur pour changer le comportement de l’ensemble de ceux qui vivent sous leur toit ». Ils se sont intéressés à la façon dont les manuels scolaires évoquaient les meilleurs moyens de réduire l’empreinte carbone. Dans leurs conclusions, ils regrettaient que ces ouvrages insistent surtout sur de « petits gestes » dont l’impact est minime, alors qu’aucun n’évoquait la solution la plus efficace, selon eux, consistant à faire moins d’enfants.

Depuis, qu’ils soient rassurés, ce discours a largement été relayé. Désormais 40 % des jeunes occidentaux hésitent à faire des enfants, selon une étude parue dans The Lancet Planetary Health en septembre 2021[1].La montée de l’écoanxiété qui, toujours selon cette enquête, concerne à des degrés divers 84 % des jeunes occidentaux[2], alimente cette tendance. La Fondation Jean Jaurès s’est intéressée en octobre aux préoccupations et aux comportements de ces jeunes écoanxieux : « en France, 37 % des 16-25 ans hésitent à avoir des enfants face à la perspective du changement climatique », soulignent les auteurs de ce rapport.

Le mouvement GINK se développe en France

L’anti-natalisme a des racines diverses et anciennes. Dans la sphère activiste, c’est un 1972, aux États-Unis, que se structure le mouvement Childfree autour de l’Organisation des Non-Parents. Trente ans plus tard, une partie de l’écologie politique va se convertir à ces thèses.

En France, l’essayiste Corine Mayer publie dès 2007 No Kid. Quarante raisons de ne pas avoir d’enfant. Elle ouvre un filon éditorial et d’autres livres vont suivre comme celui de la sociologue, Anne Gotman, Pas d’enfant. La volonté de ne pas engendrer, ou de Bettina Zourli, Childfree. Je ne veux pas d’enfant. Mais c’est en 2010 qu’une journaliste américaine, Lisa Hymas, va pour la première fois écrire : « je m’identifie comme GINK ». Cet acronyme désigne ceux qui ne veulent pas d’enfants en raison de leur engagement écologique (Green Inclination, No Kids). Elle obtiendra même un prix pour son combat décerné par l’ONG américaine Population Institute. Depuis, le terme est devenu une revendication et le symbole d’un engagement véritable pour la planète. Pour Sophie Ollitraut, sociologue, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des mouvements écologistes : « « durant la dernière décennie, chez les militants écologistes, on a cessé de croire au progrès ». […] Le choix de ne pas donner la vie est devenu constitutif de « l’identité de beaucoup de jeunes militants » »[3].

Profitant de la loi de 4 juillet 2001 autorisant la stérilisation à visée contraceptive, de plus en plus de jeunes se tournent vers cette solution. Si la vasectomie pour les hommes n’est pas une pratique définitive, la ligature des trompes pour les femmes est irréversible. Aussi, certaines jeunes filles se plaignent de la réticence du corps médical à utiliser cette technique en raison de leur âge. Pour leur faciliter la tâche, un groupe Facebook, intitulé Stérilisation volontaire rassemblant plus de 27 000 personnes, recense désormais les professionnels de santé qui acceptent de stériliser sans trop de questions des femmes, même jeunes etnullipares.

Mais, pour certains, ce genre de démarche individuelle n’est pas suffisant. Des chercheurs de Sciences Po Grenoble[4] ont établi qu’un tiers des jeunes qui ont manifesté ou ont soutenu les marches pour le climat seraient prêts à accepter une politique de contrôle des naissances. Ils rejoignent ainsi les positions des mouvements plus radicaux qui prônent la mise en place de politiques antinatalistes, comme Sven, un militant belge, interrogé par le magazine Socialter, en mars 2021 : « J’ai un profond respect pour les Ginks, mais à bientôt 11 milliards, même cette posture n’est plus tenable. […] Le seul geste qui a du sens, sinon le suicide, est d’arrêter d’avoir des enfants à grande échelle ».

Et pourquoi pas aller jusqu’à l’extinction volontaire de l’Homme ? Cette idée, portée depuis 1991 aux USA par le Voluntary Human Extinction MovemenT – VHEMT, est encore marginale, mais son audience progresse y compris en France. Sur la version française de leur site (disponible en plus de 11 langues), ils osent même présenter cette mesure comme une proposition optimiste : « l’alternative optimiste à l’extinction de millions, si ce n’est de milliards d’espèces de plantes et d’animaux est l’extinction volontaire d’une seule de ces espèces : l’Homo sapiens, c’est-à-dire nous ». Sic !

Ce phénomène et ces idéologies clairement antihumaine, et par là même antihumaniste, prospèrent sur le terreau de la haine de soi et d’une culpabilisation sans limite des jeunes occidentaux. Si nous voulons que des enfants continuent de fêter Noël, il convient de retrouver foi en l’Homme, en sa créativité, en son génie et en sa capacité à réenchanter le monde. L’esprit de Noël, c’est peut-être cela l’antidote que nous cherchons pour faire face à ces idées folles.

Par Olivier Vial 

Directeur du CERU, le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités 


[1]Young People’s Voices on Climate Anxiety, Gouvernement Betrayal and Moral Injury : A Global Phenomenon.

[2] Ils sont 84 % à se déclarer « inquiets » à propos du réchauffement climatique et 59 % à se dire « extrêmement inquiets ». 

[3] Socialiser, n°44, février-mars 2021.

[4]Chloé Alexandre, Florent Gougou, Erwan Lecoeur, Simon Perisco, Rapport descriptif de l’enquête sur le mouvement climat (Pacte). Rapport de recherche – Sciences Po Grenoble ; Pacte – Université Grenobles Alpes, 2021, 43 p. halshs-03342838 .